Riboud : «Danone mise sur la santé et le plaisir»
Le Figaro
Le 27 juillet 2010
Par Ivan Letessier
Franck Riboud, le PDG de Danone, compte sur sa R&D pour lancer de nouveaux aliments.
Activia pourrait se diversifier en dehors du yaourt, avec des produits à base de fruits.
LE FIGARO. - Quels sont les ressorts de
la bonne croissance de vos ventes au
premier semestre ?
Je salue ces bonnes performances. Il ne
faut pas oublier qu'elles interviennent dans
un contexte de crise. C'est la démonstration
parfaite que la stratégie mise en place est la
bonne. La focalisation sur les volumes
nous a permis de gagner des parts de
marché dans tous les métiers et dans tous
les pays. Nous recueillons les fruits de
l'internationalisation du groupe vers les
pays émergents. Dans un environnement
qui reste très tendu, nous sommes
optimistes pour Danone, sereins et
concentrés. Nous sommes sereins car nous
avons nos marques, nos métiers, des
équipes focalisées sur leur stratégie. Nous
sommes plutôt France 1998 en terme
d'équipe!
Vos marges, en revanche, ont reculé.
Votre modèle de croissance de crise estil
pérenne ?
Notre objectif reste de maintenir cette
année notre marge stable et de reconduire
notre niveau de 2009, 15,3%, notre record
et l'une des plus hautes marges du secteur.
Il n'y aura pas de baisse, mais nous ne
poussons pas non plus les feux au-delà car
les arbres ne montent pas jusqu'au ciel:
nous voulons construire sur des bases
solides et nous ne sommes pas là pour faire
du court-termisme. En 2010, nous
continuons à raisonner d'abord en parts de
marché, plus qu'en progression de marges.
Comment allez-vous réaliser
500 millions d'économies en 2010 ?
Les gains de productivité portent sur
différents facteurs: la façon d'acheter du
lait en poudre pour la Chine, l'amélioration
des recettes de certains produits, les efforts
de réduction des émissions de CO2 liées
aux emballages. À un rythme de 5 millions
de bouteilles d'Evian vendues chaque jour,
nous pouvons faire des économies de
plastique. Nous avons lancé des
programmes de gains de productivité tous
azimuts. Sur ces 500 millions d'économies,
il n'est pas prévu de restructuration sociale.
Quelles sont vos perspectives sur
l'évolution de la conjoncture et des
tendances de consommation en Europe
de l'Ouest ?
Nous faisons l'hypothèse que nous
resterons sous pression au cours des cinq
années qui viennent. L'évolution de la
consommation dépendra beaucoup de celle
de la grande distribution. En Espagne, il
n'y a plus que le leader, le n° 2 et les
marques de distributeurs. Cette tendance
va s'accélérer en raison de la rationalisation
des coûts et des gammes. Notre objectif, en
tant que leader, c'est d'avoir une relation
commerciale construite sur le long terme et
de contribuer à la croissance de nos
catégories. Notre capacité d'innovation
aidera à la croissance de nos volumes et à
la bonne tenue de nos marges soit avec des
produits qui justifient des prix plus élevés,
soit avec des produits milieu de gamme
mais qui dégageront des marges
importantes grâce à des innovations
technologiques et des manières de produire
plus économiques.
Le positionnement «santé» de vos
produits a longtemps tenu lieu de
stratégie d'entreprise. Vous misiez sur
votre R & D pour faire de la publicité
avec des allégations santé. Votre
stratégie semble évoluer…
Le positionnement de Danone a toujours
été axé sur la santé et le plaisir. C'est la
façon de l'exprimer, l'exécution marketing
qui doit s'adapter à ce contexte. Nous
avons publié nos études cliniques, nos
consommateurs peuvent y avoir accès. De
plus, nous avons aujourd'hui une nouvelle
corde à notre arc avec la marque Nutricia,
acquise en 2007. Si l'un de ses produits,
Fortimel, est aujourd'hui prescrit sur
ordonnance, nous pouvons très bien
imaginer le rendre beaucoup plus
accessible à l'avenir en nous appuyant sur
nos études cliniques. J'ai d'ailleurs coutume
de dire que le métier le plus important de
Danone pour l'avenir, c'est sans doute le
plus petit, la nutrition médicale, qu'il
s'agisse de travailler sur les allergies des
enfants, sur la façon de préserver
l'indépendance des personnes âgées, etc.
Nous nous intéressons à des niches très
précises de la vie quotidienne avec des
produits grand public.
Pourquoi ne pas vous passer
d'allégations sur vos produits, à l'instar
de Nestlé?
C'est l'inverse que nous souhaitons faire!
Lorsque je vois un gamin au Bangladesh
dont les diarrhées à répétition réduisent de
30% l'immunité, j'aimerais lui faire
bénéficier de produits qui améliorent sa
flore intestinale. Nous sommes convaincus
que nos études cliniques participent à la
santé par l'alimentation. Mais
l'alimentation n'est pas un médicament, et
le plaisir fait partie de la santé. Si Activia
est le meilleur yaourt que l'on puisse
trouver, cela n'en fait pas pour autant un
médicament!
Allez-vous réorienter vos efforts de
R&D?
La recherche n'est plus uniquement là pour
inventer des produits aux bénéfices santé
vendus très chers, mais pour donner accès
à nos produits au plus grand nombre. Elle
sert aussi à travailler sur le processus
industriel, la baisse de durée de la
fermentation…
Votre partenariat avec Chiquita vous
permet d'élargir votre portefeuille aux
jus de fruits…
Ce n'est pas un élargissement aux jus, mais
aux fruits, comme nous l'avons fait avec
nos compotes Taillefine. Nous ne
souhaitons pas devenir un concurrent de
Tropicana ! Nous apprenons un nouveau
métier. Chiquita connaît le process, nous
savons valoriser les produits. Ensemble,
nous arriverons avec de nouveaux
packagings, de nouveaux concepts… Nos
produits, qui auront des déclinaisons en
fonction des pays, seront disponibles en
2011 en Europe de l'Ouest.
Pourrait-il y avoir d'autres évolutions
dans le périmètre du groupe?
La réponse est oui! J'ai déjà goûté en
laboratoire de nouveaux produits. Nous
n'excluons pas de décliner Activia dans
d'autres formats que le yaourt. Avec Petit
Gervais, nous testons des yaourts en
poudre auxquels il n'y aurait qu'à ajouter
de l'eau. Inventer de nouveaux produits,
cela veut dire aussi inventer de nouveaux
canaux de distribution. Evian teste ainsi la
livraison à domicile à Paris. Le site
myevian.com, lancé en février, permet de
customiser ses bouteilles d'eau à l'occasion
d'un événement. Cette nouvelle forme de
commercialisation marche très bien et
commencera à représenter en 2011 une
part non négligeable du chiffre d'affaires
de la marque.
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