jeudi 22 juillet 2010

PRODUITS BIO: LES GRANDES ENSEIGNES DE LA DISTRIBUTION DECLARENT LA GUERRE


22/07/10 - 01H00 - Les Echos

Leclerc crée un comparateur de prix spécial pour les produits bio. Auchan lance une gamme à 1 euro. Plus consensuel, Carrefour propose de créer un fonds d'aide à la conversion des agriculteurs. Dans un contexte de crise, la grande distribution a gagné du terrain sur ce marché dont elle occupe aujourd'hui 45 %.

Après l'opération « Mieux vivre bio à 1 euro » initiée en mai par Auchan, qui propose jusqu'à la fin de l'année, une gamme de produits alimentaires bio d'usage quotidien à sa marque, Leclerc s'est lancé à son tour dans la guerre des prix du bio en ouvrant un site Internet www.lebiomoinscher.com, sur le modèle de son site quiestlemoinscher.com. Depuis plus d'un mois maintenant, il compare les prix de plus de 300 produits biologiques dans 8 enseignes nationales et passe en revue 6 marques de distributeur dans 15 enseignes nationales, pour conclure généralement… que Leclerc est le moins cher. Les professionnels de la grande distribution se sont déclaré la guerre sur le rayon bio, resté en expansion malgré la crise. Un rayon qu'ils traitent désormais comme n'importe quel autre « business » avec constitution de gamme de marque de distributeur et prix d'appel pour faire gonfler les volumes de vente. A tel point que les responsables de la Fédération nationale de l'agriculture biologique ont demandé en début de semaine un cessez-le-feu : «Si cette bataille commerciale est avant tout une opération publicitaire, elle s'appuie sur des mécanismes déjà subis par les paysans qui pourraient bien avoir des conséquences destructrices sur la filière bio. »

Personne ne le conteste, le boom des produits biologiques en France est concomitant avec l'entrée en force des grandes surfaces alimentaires, qui ont contribué à les rendre populaires. Elles sont passées de près de 40 % de part de marché en 2005 à 45 % fin 2009. Les magasins spécialisés bio en réseau ne représentent plus que 26 % des ventes et les magasins indépendants 12 %. Selon les derniers chiffres de l'Agence française pour le développement de l'agriculture biologique, les ventes atteignent 3 milliards d'euros contre 1,6 milliard en 2005. Ce segment représente 1,9 % du marché alimentaire total contre 1,1 % en 2005. Le marché du bio est estimé à 3 milliards d'euros. Rappelons que les objectifs du Grenelle de l'environnement prévoient 6 % de la production agricole française en 2012 et 20 % en 2020, contre 2 % actuellement.

On est loin de la première boule de pain bio qui avait marqué les esprits lors de son lancement par Carrefour au milieu des années 1990. Même les spécialistes du « hard discount » s'y sont mis, Leader Price a créé une gamme d'une quarantaine de produits bio emballés dans un vert alléchant. Un hyper Auchan propose aujourd'hui en moyenne 800 produits bio et la gamme Agir Bio, développée par Carrefour, compte 500 références en alimentaire. Dans l'Hexagone, les ventes de lait, de légumes et d'oeufs bio ont plus que doublé. Mais cette évolution s'est accompagnée d'un boom des importations, qui représentaient fin 2009 38 % de la valeur des produits consommés. Certes, 30 % sont exotiques et 30 % liés à des productions pour laquelle la France n'a pas d'atout particulier (agrume, soja..), mais 40 % sont des céréales, du lait, de la viande de porc, des fruits et légumes poussés en Pologne, en Italie, voire en Egypte. « Tout cela s'appelle bio, mais nous n'y mettons pas les mêmes valeurs », s'énerve Claude Gruffat, leader de la distribution alimentaire biologique spécialisée en France avec plus de 320 magasins et un chiffre d'affaires de 450 millions d'euros en 2009, en hausse de 15 % par rapport à 2008.

Frottement avec les producteurs

Avec 6.000 références, la coopérative défend un modèle de proximité et de travail sur le long terme avec les producteurs, dont certains sont même entrés au sein de la coopérative en 2006. Il a créé un logo « Ensemble pour plus de sens », permettant d'identifier les produits laitiers, céréales, fruits et légumes, viandes, issus de partenariats durables. Dans la même ligne, Dominique Marion, de la Fédération nationale d'agriculture biologique, qui affirme regrouper 70 % des paysans bio français, commence par se réjouir que les grands distributeurs français se bagarrent sur le bio, « parce que cela signifie que le bio prend de la place ». Mais il refuse toute « biologisation » des produits et défend l'initiative récente de créer un nouveau label « Bio cohérence », alors même que l'Europe vient de décider d'apposer à partir du 1 er juillet sur l'ensemble des articles une feuille constituée à partir de douze petites étoiles. Le label garantit que le producteur respecte non seulement le cahier des charges européen, considéré comme un socle, mais aussi d'autres engagements plus exigeants : zéro OGM (contre 0,9 % maximum dans les labels bio européen et AB), obligation pour la ferme d'être 100 % bio, etc.

Dans ce contexte de frottement avec les producteurs, la grande distribution réfléchit en ce moment à la création d'un fonds d'aide à la conversion des agriculteurs. L'idée, lancée par Carrefour dans le bureau du président de la République lors des discussions sur les marges arrière, permettrait à chacun d'alimenter ce fonds. Carrefour propose de mettre 10 millions d'euros. Les discussions avec les agriculteurs s'annoncent animées.

JULIE CHAUVEAU, Les Echos

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