jeudi 22 juillet 2010

LE GROUPE DANONE CHANGE LA DONNE

L’acquisition d’un concurrent russe place le groupe français en position de force dans la « guerre du lait »

Après une décennie de présence et d’observation sur le marché,
Danone a pris d’assaut l’industrie laitière russe en rachetant
son concurrent local Unimilk. Crédits photo : Anvar Galeyev, RG

Le rachat par Danone le mois dernier de la compagnie laitière Unimilk a braqué les projecteurs sur l’une des sociétés les plus rentables et les plus compétitives du secteur agroalimentaire russe. Le pays offre un très vaste marché avec plus de 142 millions de consommateurs. Mais en restant l’un des plus complexes de l’économie, le secteur de la transformation alimentaire est aussi l’un des plus sous-développés dans le pays.

La Russie importe toujours près de 40% de ses produits alimentaires et jusqu’à 60% des stocks des supermarchés moscovites sont alimentés par l’importation.

Avec l’acquisition que vient de réaliser Danone, c’est une véritable « guerre du lait » qui s’annonce, car après cette transaction, il ne reste plus que deux grands groupes sur le marché laitier. Danone va maintenant se retrouver face à Wimm-Bill-Dann, le plus gros producteur de produits laitiers du pays. Au cours des dix dernières années, le géant français de l’agro-alimentaire avait tenté de prendre le contrôle de Wimm-Bill-Dann, mais n’a pu aller au-delà de 18,6% du capital.

L’acquisition du concurrent Unimilk signifie un renoncement aux ambitions sur Wimm-Bill-Dann. Danone devrait logiquement revendre sa participation dans ce groupe mais refuse de s’exprimer sur ce point. En attendant, Wimm-Bill-Dann affirme être prêt à racheter ses propres parts. « Nous serions heureux de reprendre la participation de Danone », explique Sergueï Plastinine, président du Conseil de surveillance, « mais pour l’instant nous ignorons les intentions du groupe français ».

La guerre va donc inéluctablement éclater entre les deux géants du marché russe. Mais pas tout de suite, car la croissance du secteur est telle que la progression de la demande en produits laitiers va dépasser la capacité de production des deux groupes. Il y a largement assez de place pour tout le monde.

L’année dernière, les ventes de Danone en Russie arrivaient en neuvième place en volume des ventes, mais après l’acquisition d’Unimilk, la Russie va devenir le deuxième plus grand marché européen du groupe, derrière l’Espagne.

La crise de 2008 a durement frappé l’économie russe, mais le secteur du commerce de détail n’en a pas vraiment pâti. Grâce aux mesures prises par le gouvernement pour soutenir la consommation et un plan de relance massif, aucune grande entreprise russe n’a fait faillite. Les revenus réels en Russie ont continué à augmenter en 2009. En effet, les chaînes de supermarchés fortement présentes en province, comme Magnit, ont fait des bénéfices record et n’ont presque pas connu de ralentissement dans les ventes. Le principal changement dans la consommation, ce fut le passage des produits importés à prix élevés vers des produits de fabrication locale meilleur marché. C’est l’une des raisons principales qui ont poussé Danone à racheter Unimilk.

Pour Pavel Isaev, membre du conseil d’administration d’Unimilk, « il y a de fortes chances que la société française devienne le leader du marché des produits laitiers dans la CEI et surtout en Russie, même si, aujourd’hui, elle ne contrôle que 21% du marché russe ».

Aval probable des autorités russes

Pour être effective, la fusion doit encore recevoir l’approbation du Service anti-monopole russe, ce qui est loin d’être toujours évident. La décision sera rendue publique en août, mais le patron du service a déjà tenu des propos encourageants.

Globalement, l’acquisition semble avoir été bien accueillie par les sourcilleuses autorités russes, ce qui ne fut pas le cas lors de la tentative sur Wimm-Bill-Dann. Selon le premier Vice-Premier ministre Viktor Zoubkov, cette fusion est le signal que le marché agro-alimentaire russe s’ouvre complètement aux investissements étrangers.

L’officiel s’est aussi félicité que Danone apporte au secteur russe son immense expérience : « C’est un bon projet qui nous aidera à moderniser le secteur de l’industrie nationale de la transformation alimentaire ».

Unimilk a été créé en 2002 et regroupe des actifs industriels sur les territoires russe, ukrainien et biélorusse. Son catalogue de produits comprend des marques bien connues sur les marchés de l’ex-URSS, comme « Bio Balance ».

Unimilk appartenait jusque-là presque exclusivement à ses dirigeants. Seuls 10% du groupe sont détenus par le fonds de capital-investissement chinois CIPEF.

RECKITT BENCKISER RACHETE DUREX AND SCHOLL

Le Figaro
Par Florentin Collomp

22/07/2010

Le propriétaire de Destop et Nurofen lance une OPA amicale à 3 milliards d'euros sur le fabricant de préservatifs et de chaussures.

Durex est leader mondial des préservatifs, avec 30% du marché.
Le groupe britannique Reckitt Benckiser, propriétaire de Calgon, Veet, Air Wick, Destop, Woolite ou Nurofen, va ajouter deux belles marques à son portefeuille: Durex et Scholl. Il a annoncé mercredi une OPA amicale sur son compatriote SSL, maison mère des marques de préservatifs et de chaussures orthopédiques.

L'opération valorise l'entreprise 2,54 milliards de livres, soit 3 milliards d'euros, une prime de 33% par rapport au cours de l'action SSL la veille, ce qui a entraîné aussitôt un bond du titre de cette ampleur hier.

Reckitt Benckiser (7,8 milliards de livres, 9,2 milliards d'euros de chiffre d'affaires) est spécialiste des produits d'entretien, de pharmacie et d'hygiène personnelle. Le groupe cherche à se renforcer dans cette dernière catégorie à taux de croissance et de marge plus élevés.

Nées en 1904, les chaussures Scholl ont fusionné en 1998 avec London International Group, ex-London Rubber Company, fondée en 1915, qui a lancé en 1929 Durex (acronyme de durabilité, fiabilité, excellence). Cette marque est leader mondial des préservatifs, avec 30% du marché, devant Manix, du groupe australien Ansell. Elle pèse 42% du chiffre d'affaires de SSL (802 millions de livres, 946 millions d'euros). Le résultat opérationnel du groupe a représenté l'an dernier 16% de son chiffre d'affaires.

La plus grande usine de préservatifs en Chine
«Cette opération est pertinente sur le plan stratégique pour Reckitt Benckiser, dont elle renforce l'activité d'hygiène personnelle, réagit Andrew Wood, analyste chez Sanford Bernstein. Mais on peut se demander pourquoi il a fallu si longtemps au management pour le faire puisqu'on en parle depuis des années. En effet, Reckitt paye beaucoup plus qu'il ne l'aurait fait ne serait-ce qu'il y a neuf mois. Le prix semble plus raisonnable si l'on considère les synergies proposées de 12,5% du chiffre d'affaires de SSL.»

Reckitt va aussi bénéficier de la présence de SSL en Chine et en Russie. Durex possède à Qingdao (Chine) la plus grande usine de préservatifs du monde. Par ailleurs, pour Serena Jian, analyste chez Euromonitor International, «l'acquisition va aider Reckitt Benckiser à rattraper Bayer dans le soin médical de la peau en Europe occidentale et devenir numéro deux derrière Johnson & Johnson.»

L'offre représente quatre fois le montant de l'action de SSL il y a cinq ans, et 35 fois ses bénéfices de l'an dernier. Cela n'empêche pas les marchés d'espérer une éventuelle surenchère d'un laboratoire cherchant à se renforcer dans le business en plein essor de la parapharmacie. On cite notamment le nom de Merck, qui possède la marque Scholl en Amérique.

PRODUITS BIO: LES GRANDES ENSEIGNES DE LA DISTRIBUTION DECLARENT LA GUERRE


22/07/10 - 01H00 - Les Echos

Leclerc crée un comparateur de prix spécial pour les produits bio. Auchan lance une gamme à 1 euro. Plus consensuel, Carrefour propose de créer un fonds d'aide à la conversion des agriculteurs. Dans un contexte de crise, la grande distribution a gagné du terrain sur ce marché dont elle occupe aujourd'hui 45 %.

Après l'opération « Mieux vivre bio à 1 euro » initiée en mai par Auchan, qui propose jusqu'à la fin de l'année, une gamme de produits alimentaires bio d'usage quotidien à sa marque, Leclerc s'est lancé à son tour dans la guerre des prix du bio en ouvrant un site Internet www.lebiomoinscher.com, sur le modèle de son site quiestlemoinscher.com. Depuis plus d'un mois maintenant, il compare les prix de plus de 300 produits biologiques dans 8 enseignes nationales et passe en revue 6 marques de distributeur dans 15 enseignes nationales, pour conclure généralement… que Leclerc est le moins cher. Les professionnels de la grande distribution se sont déclaré la guerre sur le rayon bio, resté en expansion malgré la crise. Un rayon qu'ils traitent désormais comme n'importe quel autre « business » avec constitution de gamme de marque de distributeur et prix d'appel pour faire gonfler les volumes de vente. A tel point que les responsables de la Fédération nationale de l'agriculture biologique ont demandé en début de semaine un cessez-le-feu : «Si cette bataille commerciale est avant tout une opération publicitaire, elle s'appuie sur des mécanismes déjà subis par les paysans qui pourraient bien avoir des conséquences destructrices sur la filière bio. »

Personne ne le conteste, le boom des produits biologiques en France est concomitant avec l'entrée en force des grandes surfaces alimentaires, qui ont contribué à les rendre populaires. Elles sont passées de près de 40 % de part de marché en 2005 à 45 % fin 2009. Les magasins spécialisés bio en réseau ne représentent plus que 26 % des ventes et les magasins indépendants 12 %. Selon les derniers chiffres de l'Agence française pour le développement de l'agriculture biologique, les ventes atteignent 3 milliards d'euros contre 1,6 milliard en 2005. Ce segment représente 1,9 % du marché alimentaire total contre 1,1 % en 2005. Le marché du bio est estimé à 3 milliards d'euros. Rappelons que les objectifs du Grenelle de l'environnement prévoient 6 % de la production agricole française en 2012 et 20 % en 2020, contre 2 % actuellement.

On est loin de la première boule de pain bio qui avait marqué les esprits lors de son lancement par Carrefour au milieu des années 1990. Même les spécialistes du « hard discount » s'y sont mis, Leader Price a créé une gamme d'une quarantaine de produits bio emballés dans un vert alléchant. Un hyper Auchan propose aujourd'hui en moyenne 800 produits bio et la gamme Agir Bio, développée par Carrefour, compte 500 références en alimentaire. Dans l'Hexagone, les ventes de lait, de légumes et d'oeufs bio ont plus que doublé. Mais cette évolution s'est accompagnée d'un boom des importations, qui représentaient fin 2009 38 % de la valeur des produits consommés. Certes, 30 % sont exotiques et 30 % liés à des productions pour laquelle la France n'a pas d'atout particulier (agrume, soja..), mais 40 % sont des céréales, du lait, de la viande de porc, des fruits et légumes poussés en Pologne, en Italie, voire en Egypte. « Tout cela s'appelle bio, mais nous n'y mettons pas les mêmes valeurs », s'énerve Claude Gruffat, leader de la distribution alimentaire biologique spécialisée en France avec plus de 320 magasins et un chiffre d'affaires de 450 millions d'euros en 2009, en hausse de 15 % par rapport à 2008.

Frottement avec les producteurs

Avec 6.000 références, la coopérative défend un modèle de proximité et de travail sur le long terme avec les producteurs, dont certains sont même entrés au sein de la coopérative en 2006. Il a créé un logo « Ensemble pour plus de sens », permettant d'identifier les produits laitiers, céréales, fruits et légumes, viandes, issus de partenariats durables. Dans la même ligne, Dominique Marion, de la Fédération nationale d'agriculture biologique, qui affirme regrouper 70 % des paysans bio français, commence par se réjouir que les grands distributeurs français se bagarrent sur le bio, « parce que cela signifie que le bio prend de la place ». Mais il refuse toute « biologisation » des produits et défend l'initiative récente de créer un nouveau label « Bio cohérence », alors même que l'Europe vient de décider d'apposer à partir du 1 er juillet sur l'ensemble des articles une feuille constituée à partir de douze petites étoiles. Le label garantit que le producteur respecte non seulement le cahier des charges européen, considéré comme un socle, mais aussi d'autres engagements plus exigeants : zéro OGM (contre 0,9 % maximum dans les labels bio européen et AB), obligation pour la ferme d'être 100 % bio, etc.

Dans ce contexte de frottement avec les producteurs, la grande distribution réfléchit en ce moment à la création d'un fonds d'aide à la conversion des agriculteurs. L'idée, lancée par Carrefour dans le bureau du président de la République lors des discussions sur les marges arrière, permettrait à chacun d'alimenter ce fonds. Carrefour propose de mettre 10 millions d'euros. Les discussions avec les agriculteurs s'annoncent animées.

JULIE CHAUVEAU, Les Echos